Le 08/10/2018, disparition forcée du Vice-président Boniface Twagirimana : les FDU-Inkingi appellent le gouvernement rwandais à la vérité et à la justice.

Sept ans viennent de s’écouler sans trace de l’opposant politique Boniface Twagirimana, à l’époque vice-président du parti FDU-INKINGI de Victoire INGABIRE Umuhoza, non encore enregistré au Rwanda. Disparu depuis le 8 octobre 2018, alors qu’il venait d’être transféré dans la prison de haute sécurité de Mpanga au sud du pays, tout laisse penser qu’il a été enlevé de sa cellule puis conduit vers une destination inconnue. Agé de 43 ans et père de deux enfants, Boniface TWAGIRIMANA avait été arrêté le 6 septembre 2017, dans le cadre d’une vaste répression après les élections présidentielles d’août 2017, élections jugées calamiteuses par de nombreux observateurs internationaux et par les partis d’opposition.

Connu pour ses prises de position critiques à l’égard du régime rwandais, le vice-président Boniface TWAGIRIMANA avait lui-même qualifié le scrutin de 2017 de « simulacre d’élection » visant à asseoir la légitimité du général Paul Kagame aux yeux de la communauté internationale. Au cours des jours suivants, d’autres membres du parti FDU-Inkingi ont également été arrêtés et inculpés de crimes fabriqués en lien avec la sécurité de l’État, notamment la création d’un groupe armé irrégulier et de délits contre le président. Détenu auparavant avec ses coprévenus, Boniface TWAGIRIMANA est le seul à avoir été transféré de la prison de Mageragere (Kigali) à celle de Mpanga à cette date. Cinq jours après son transfert, les autorités rwandaises ont déclaré publiquement que TWAGIRIMANA s’était évadé de la prison.

La prison de Mpanga est réputée pour son niveau élevé de sécurité tel que personne ne peut s’évader. Elle est entourée de longs murs coiffés de fils barbelés, pratiquement infranchissables. Sans parler de gardiens de prisons qui veillent sur les entrées et les sorties, et qui font la ronde à l’extérieur.

Par ailleurs, sa famille doutait que cela soit le cas, car « Boniface espérait obtenir gain de cause devant le tribunal et il attendait sa libération », a déclaré à Human Right Watch un membre de sa famille. «Pourquoi donc se serait-il évadé ? Quelque chose de terrible a du lui arriver ». Des amis et collègues de TWAGIRIMANA ont également contesté l’explication du gouvernement, alléguant que d’après d’autres détenus TWAGIRIMANA aurait été enlevé et emmené à bord d’un véhicule de la prison.

Contactée par RFI, son épouse Rehema Uwimana, qui a été informée de son transfert et lui a rendu visite à Mpanga le 6 octobre déclare : « ….j’ai été surprise en entendant dire qu’il s’était évadé, cela m’a effrayé et je n’y ai pas cru parce que mon mari a été transféré dans cette nouvelle prison le 3 octobre, raconte-t-elle. On l’a placé tout de suite à l’isolement en compagnie d’un autre homme [Aimable Murenzi]. Il ne pouvait pas aller dehors. Je suis allé le voir samedi [le 6 octobre], il n’est pas sorti puis on a dit qu’il s’est évadé le lendemain ? Je me suis demandée comment il a pu s’échapper d’un endroit qu’il ne connaissait pas et je n’ai rien compris à tout ça. Il était lui-même très inquiet parce que d’autres prisonniers l’avaient approché pour lui dire qu’il était enfermé avec un homme très dangereux, qui était là pour l’espionner, poursuit Rehema UWIMANA. Personnellement, je ne pense pas qu’il se soit évadé, quelque chose a dû lui arriver…».

Pour la famille de TWAGIRIMANA, ses codétenus et de nombreuses organisations de défense des droits humains, l’hypothèse d’une simple évasion est intenable. Tout laisse penser à une disparition forcée, une pratique qui vise à faire taire les voix dérangeantes. Les autorités rwandaises ont toujours chassé et persécuté les opposants politiques en tentant d’étouffer violemment l’inévitable réveil des consciences du peuple rwandais. Human Right Watch, Amnesty International et d’autres acteurs ont alerté sur la gravité de cette affaire, soulignant le climat d’intimidation que subissent les opposants rwandais.

Rappelons qu’avant sa disparition, Boniface TWAGIRIMANA et plusieurs autres membres de son parti avaient été inculpés d’atteinte à la sécurité de l’État. Au cours du procès de ces derniers, le 18 juillet 2019 devant le tribunal de Nyanza au sud du Rwanda, certains présentaient des marques de tortures sur leurs corps, d’après les déclarations de leur avocat, cité par la BBC, ainsi qu’un partisan des FDU-Inkingi ayant assisté au procès : «Les membres des FDU ont été torturés ». Durant leurs interrogatoires, les partisans des FDU-Inkingi se seraient vu proposer deux options par leurs tortionnaires : « Avouer les crimes qui leur sont reproché ou mourir ». Il est alors probable que Boniface TWAGIRIMANA ait été tué pour avoir refusé d’endosser les fausses charges portées contre lui, ou qu’il ait succombé des suites de tortures et de mauvais traitements après son enlèvement.

La disparition de TWAGIRIMANA s’ajoute à une longue série de meurtres, de disparitions forcées, d’arrestations d’opposants politiques, journalistes et défenseurs des droits de l’homme. Les disparitions forcées ne sont pas un phénomène nouveau au Rwanda. Human Right Watch a documenté les efforts constants que le gouvernement rwandais a déployé ces dernières années pour faire taire ses détracteurs et individus perçus comme étant opposants politiques en recourant à des arrestations arbitraires, des menaces et des disparitions forcées. Depuis que le FPR a pris le pouvoir, le Rwanda connaît un contexte dans lequel les voix critiques sont régulièrement harcelées, emprisonnées, assassinées ou victimes de disparitions forcées et les autorités du pays ne s’en cachent pas. Le président Kagame lui-même tient régulièrement des propos menaçants et qui visent nommément des opposants politiques dont Madame Victoire INGABIRE Umuhoza, présidente de Dalfa-Umurinzi.

À ce titre, les FDU-Inkingi demandent avec force au gouvernement rwandais de donner la vérité et la justice sur la disparition de Boniface TWAGIRIMANA par les actions suivantes:

  1. L’ouverture immédiate d’une enquête internationale, indépendante, transparente et crédible sur les circonstances de la disparition de Boniface TWAGIRIMANA afin d’établir les faits et responsabilités.
  2. La publication intégrale des rapports d’enquête, des comptes rendus des surveillants de prison et des preuves matérielles disponibles à ce jour, par l’État.
  3. Si une disparition forcée ou une implication d’agents publics est établie, la poursuite des responsables conformément au droit national et international, et des mesures de réparation pour la famille.
  4. Le respect du droit de sa famille à être informée et associée à la recherche de la vérité.

Aujourd’hui, nous rendons hommage à Boniface TWAGIRIMANA, un homme de conviction et de courage, disparu dans des circonstances troubles le 08 octobre 2018, non encore élucidées. Son cas n’est pas seulement une tragédie individuelle, il incarne le combat pour la dignité, la liberté d’expression et le droit de chaque citoyen à vivre sans crainte de disparaître pour ses opinions. Sa disparition n’efface pas son engagement, au contraire, elle rappelle la force de son sacrifice et la nécessité de poursuivre son combat. Boniface TWAGIRIMANA incarne ces voix qui, même réduites au silence, continuent de résonner dans la conscience collective.

Le gouvernement rwandais a le devoir de rendre compte.

 

Fait à Angers, France, le 08/10/2025

Pour les FDU-Inkingi

Ernest NZARAMBA

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